A l’occasion de la sortie à la rentrée d'un jeu vidéo adapté des Piliers de la terre, retour sur ce roman qui a fait la renommée internationale de l’auteur gallois lors de sa publication en 1990 et continue d'alourdir (inutilement) les sacs de plage des vacanciers en 2017.
Les pavés ne me font pas peur. Encore moins quand ils atterrissent au début de l’été entre mes mains. Celui-ci n’a pas seulement le format d’un gros projectile mais il en a eu aussi l’impact. Il suffit de regarder le chiffre des ventes à travers le monde (plus de 26 millions d’exemplaires écoulés) ou encore de taper son titre sur Google et de lire les commentaires de lecteurs à l’enthousiasme encore brûlant.
Un tel succès mystique me procura un frisson agréable avant même d’ouvrir le livre : j’allais entrer dans une secte.
Malgré tous ces ingrédients prometteurs, la potion magique n’a eu aucun effet. Il faut dire que dès les premiers chapitres j’ai trouvé le breuvage insipide.
Pourtant, j’ai commencé docilement par marcher comme tout le monde dans les pas de Tom le bâtisseur. J’ai fait mine de m’inquiéter avec lui du sort de sa famille, de ses problèmes de chômage, de l’état de la boue sous ses chausses mais il y avait chez moi quelque chose de foncièrement hypocrite. Car Tom n’a rien pour lui.
Pire, il est anachronique, c’est un robot qui se balade en plein Moyen Age programmé avec deux neurones reliées à deux idées fixes : nourrir sa famille et bâtir une cathédrale (original pour un type qui pense cochon et patate le reste du temps).
Une ronde de personnages légèrement plus intéressants, mais à peine plus complexes, se passent le flambeau au fil des pages. Tendus souvent par un but unique et obsédant, on ressent presque pour chacun d’entre eux une sorte de pitié en constatant le déterminisme de leur vie. A tel point que l’on finit par se demander si cette absence de liberté et de recul est due uniquement aux circonstances de l’époque ou à une quelconque limitation dans l’imagination de l’auteur. En réalité Ken Follett ne semble pas s’en inquiéter et profite de la platitude de certaines situations pour mettre sa casquette de guide de musée et nous faire visiter tous les monuments avec une jubilation mal dissimulée (et parfois un rien ridicule): autopsie d’un transept, ossature d’une nef ou subtilités techniques de mâchicoulis… Aucun détail ne nous est épargné. Au fond c’est bien la moindre des choses, nous sommes dans un roman historique et le lecteur est censé aimer ça, tant pis pour lui. Les descriptions jaillissent un peu partout, coupant parfois les agissements du héros qui fait mine de découvrir avec vous la courbe élégante d’un escalier en plein milieu d’une terrible quête guerrière.
Etrangement une fois passés les agacements que procurent ces défauts, le roman se lit de mieux en mieux. Les raisonnements et les dialogues des personnages aux cerveaux lents laissent un peu de liberté à nos pensées personnelles (ce qui peut être assez pratique si vous venez de mettre quelque chose dans le four). Ainsi très avantageusement, un peu sans nous parfois, l’histoire avance toute seule.
L’histoire ? Les luttes de pouvoirs dans l’Angleterre du XIIème siècle mettant en scène quelques valeureux héros tels qu’un maçon honnête, un moine idéaliste ou une jeune fille noble mais persécutée.
Ce qui est rassurant avec ce genre de récit c’est que les méchants sont cruels et crasseux et que les gentils… sont tout le contraire. Ca s’appelle du manichéisme mais ça a le mérite d’être reposant. Le but n’étant quand même pas de s’endormir, je précise que quelques scènes assez violentes de combat ou de viol sont semées ça et là pour réveiller les lecteurs indolents. Vous êtes prévenus.
Vous l’avez compris, malgré son titre, Les piliers de la terre ne représente pas pour moi un monument de littérature. Son succès me parait être surtout celui du Moyen Age qui suscite un engouement quasi religieux depuis quelques années. Il faut reconnaître qu’en refermant ce livre où certains passages ressemblent aux schémas d’un manuel de maçonnerie, les passionnés de la période pourraient presque s’emparer d’une truelle et d’un sac de ciment et construire leur propre cathédrale. Avis aux amateurs.
Edité par Daedalic Entertainment, le jeu vidéo sera disponible sur PC, Mac, Linux, PlayStation 4 et Xbox One
{Extrait}
(Un dialogue percutant et plein de psychologie)
« Richard déplaça un pion et Aliena dit : « Non, tu ne peux pas faire ça. »
Le jeune garçon s’étonna. « Pourquoi donc ?
- Parce que c’est contre la règle, idiot.
- Je n’aime pas les règles », dit Richard énervé.
Aliena s’emporta. « Tu dois obéir aux règles !
- Et pourquoi ?
- Tu obéis, c’est tout !
- Et bien, pas du tout ! » Il renversa la table par terre, faisant voler tous les pions. »