Si vous n'avez regardé que des séries en 2017, il est encore temps de résilier votre abonnement Netflix et de lire ces 3 romans avant l'avalanche de la rentrée littéraire de janvier.
UNE COMEDIE FEMINISTE
Eurídice Gusmão est une épouse modèle et une mère parfaite : tous les jours elle fait les lits, arrose les plantes, balaye le salon et cuit les steaks pour le dîner. Le problème c’est qu’Eurídice est un génie : « Si on lui avait donné des calculs compliqués, elle aurait conçu un pont. (…) Mais on lui donnait des culottes sales ». Dans le Brésil des années 50, cette femme au foyer débordante d’idées enchaîne les projets créatifs dans l’indifférence ou la réprobation de son mari et de ses deux enfants. Carnaval de situations burlesques et de personnages bigarrés, cette fable féministe est une invitation à la fantaisie, à l’insoumission et à la création. On salue la vitalité de ce premier roman au verbe épicé et à l’accent latino.
Les mille talents d’Eurídice Gusmão, Martha Batalha, 252 P., éd. Denoël.
UN POLAR PIQUANT
Les polars avec un inspecteur scandinave dépressif, une jolie fille qui disparaît pendant son jogging et du sang un peu partout, on commence à saturer. Ça tombe bien, les méchants, les gentils, les flics honnêtes, les règlements de maisons de retraite, la répression des fraudes, le mauvais goût, le politiquement correct, Hannelore Cayre n’en a rien à faire, ou presque. Cette avocate pénaliste, réalisatrice et auteur de 5 romans, n’a pas peur de partager avec les lecteurs ses coups de gueule contre les clichés, l’ordre établi et les injustices de la vie. Elle jubile et nous aussi. Dans La Daronne, son héroïne traduit des interrogatoires et des écoutes téléphoniques en arabe pour le compte de la justice française qui la paye au noir (oui, ça se fait). Fatiguée par son statut précaire, son veuvage et ses responsabilités financières vis-à-vis de ses deux filles et de sa mère atteinte d’Alzheimer, Patience Portefeux (mélange explosif) décide de sauter de l’autre côté de la barrière en récupérant le butin d’un réseau de trafiquants de drogue. Une aubaine pour cette quinquagénaire bien rangée qui se découvre une seconde moralité et une nouvelle personnalité chez les caïds. Avec une langue agile, maniant aussi bien l’argot que la critique sociale, Hannelore Cayre nous livre ici le portrait d’une femme abîmée mais affranchie et aborde avec un humour fou des sujets qui en manquent cruellement : les populations en mal d’intégration, la déchéance de la vieillesse, la lutte perdue contre la drogue, la tyrannie des apparences. Un roman déroutant dans lequel on retrouve pas mal d'ingrédients: Les Tontons flingueurs pour la truculence des personnages + Le journal de Bridget Jones d’Helen Fielding pour les galères au féminin + Gomorra de Roberto Saviano pour les réalités violentes de la drogue.
La Daronne, Hannelore Cayre, 176 P., éd. Métailié.
UN ROMAN VISIONNAIRE
Un 19 janvier, 7 jeunes Français se mettent à voler et se découvrent des superpouvoirs : hypermnésie, capacité divinatoire, ouïe surdéveloppée, invisibilité… Leurs points communs ? Ils sont tous nés en 1983 et se seraient trouvés enfants dans le même embouteillage un jour de vacances. Récupérés et briefés par les autorités, les nouveaux héros tentent tant bien que mal d’être à la hauteur de leur popularité. Le problème, c’est que malgré leurs incroyables facultés et les missions humanitaires qu’ils effectuent, chacun d’entre eux a conservé tous ses défauts… Oscillant avec génie entre réalisme et fantastique, on dévore ce roman écrit avec le détachement cynique d’un Michel Houellebecq qui aurait regardé trop de séries TV.
Les Premiers, Xabi Molia, 350 P., éd. du Seuil.
publié dans le magazine GAËL www.gael.be