Comme disait Tolstoï, "toutes les familles heureuses le sont de la même manière, les familles malheureuses le sont chacune à leur façon ". Le malheur familial est une source d'inspiration inépuisable...
S'échapper?
Comment trouver sa voie quand votre enfance ressemble à une prison ? Dressé par des parents-bourreaux, le jeune Yann Moix développe dès ses premières années une résistance physique et morale aux coups infligés. Privations, humiliations, confiscations, expiations…à la maison, il vit un enfer. Pour survivre, le petit garçon mène une triple vie. Celle que lui imposent ses géniteurs. En lui-même, où il découvre grâce aux livres les ressources infinies de l’imagination et de la poésie. Et dans le monde extérieur, où il tombe régulièrement amoureux de filles inaccessibles qui peuplent sa solitude de gamin battu. Dans une prose magnifique qui parvient à faire coexister l’horreur, la mélancolie, l’humour et la colère, l’auteur parvient à nous renvoyer dans les territoires perdus de l’enfance. Malgré le nuage noir médiatique qui entoure ce récit autobiographique, malgré les accusations violentes du frère, malgré le démenti du père et malgré les aveux d'antisémitisme de Yann Moix, impossible de rester insensible à ce texte qui nous fait croire que la littérature a un réel pouvoir d'évasion (quand elle ne provoque pas d'explosion).
ORLÉANS, YANN MOIX, 272 P., ÉD. GRASSET.
Pardonner?
Difficile d'ignorer le potentiel de zizanie que contiennent les livres. Cela fait près de 30 ans que Paul scrute sa vie et celle des siens pour les mettre dans ses romans. Ses frères et sœurs ne lui pardonnent pas d’avoir exposé aux lecteurs les malheurs de leur enfance commune. Ses deux ex-femmes n’ont pas supporté de voir leurs existences labourées par ce chantier d’écriture permanent. Ses enfants sont devenus parents à leur tour, certains se sont éloignés, d’autres ont décidé de ne pas lire. Isolé au milieu des vignes et des oliviers dans la maison qu’il s’est choisie pour refuge d’écriture, Paul reçoit la visite inespérée de ceux qui lui ont tourné le dos pendant toutes ses années. Grandes explications, petites réflexions, rancœur et élans du cœur, rythment cette journée où la famille semble enfin possible. Dans un jeu de miroir avec son narrateur, Lionel Duroy nous livre un nouveau roman autobiographique d’une franchise toujours aussi déconcertante.
NOUS ÉTIONS NÉS POUR ÊTRE HEUREUX, LIONEL DUROY, 222 P., ÉD. JULLIARD.
"J’aimais le soleil. J’aimais la pluie. J’aimais chaque nuage. J’aimais les arbres et les buissons de la cour. Mes « parents » m’eussent tué sur le coup s’ils l’avaient appris : mais je crois bien que j’aimais la vie".
Orléans, Yann Moix