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Photo du rédacteurMadeleine Nosworthy

La rentree feministe


Simone de Beauvoir l’avait prédit : « il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. » Pendant le confinement, les médias ont vu se multiplier les témoignages et avis d’experts masculins, alors que les interventions des femmes ont baissé. Mais quelle est vraiment la place des femmes en 2020 ? Ce que les médias analysent, ces romancières de la rentrée donnent à voir et à ressentir.


Garce est-il le féminin de garçon ?


« C’est une fille. » Ce sont les mots qui ouvrent le roman de Camille Laurens, et aussi la vie de chaque femme. Et l’importance des mots, Laurens en sait quelque chose. Elle en a fait son alliée dans ce neuvième roman, qui multiplie les répertoires d’expressions, les jeux de mots et les paroles d'enfants. Résultat : une savante superposition de la voix d’une petite fille qui en naissant a déçu son père, rêvant d’un garçon, et de celle de la femme qu’elle deviendra. Elle démontre comment la fille assimile les restrictions multipliées à cause de son sexe, et avec lesquelles l’adulte devra conjuguer. Laurence Barraqué grandit dans les années 1960 à Rouen, entourée d’une famille aimante et aimable. Une enfance a priori heureuse est néanmoins le lieu de micro-agressions constantes et de violences occasionnelles, un schéma qui résonnera au plus profond de ce que cela signifie que d’être femme. Sans mélodrame et avec beaucoup de psychologie, Laurens nous montre pourquoi « c’est merveilleux, une fille ».

Pour aller plus loin : lisez Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan, une fresque familiale terrible et superbe démontrant l’importance de l’héritage familial. Pour découvrir les destins de trois soeurs dans les années 70, une époque où les consciences et la palce des femmes évoluent à toute allure, plongez-vous dans le dernier roman de Véronique Olmi, Les Evasions particulières.


Fille, Camille Laurens, Éd. Gallimard, 240 pages.



Ce qu’il y a de politique dans l’intime

Faïza Guène, devenue célèbre à l’âge de 19 ans avec la publication de Kiffe kiffe demain, revient à la charge avec son sixième roman. Dédié « à tous les héritiers d’une histoire en fragments », ce livre aborde sans pudeur l’Histoire franco-algérienne, que Faïza Guène revendique comme son histoire, restée sous silence pendant des années. C’est aussi l’histoire de Yamina, une algérienne venue vivre en France, et de ses enfants. En décrivant les défis rencontrés par plusieurs femmes de la même famille, ce roman démontre avec acuité la multiplicité des destins de femmes issues de l’immigration (ou comment détruire des décennies de raccourcis sexistes et racistes en moins de 200 pages). Pour autant, les personnages masculins restent tendres et ne correspondent à aucun cliché ; la proposition d’une masculinité douce est peut-être ce qu’il y a de plus féministe dans ce livre.

Pour aller plus loin : lisez d’autres voix féminines aux origines franco-algériennes. Fatima Daas publie La petite dernière cette année, un premier roman dans lequel cette franco-algérienne, lesbienne, musulmane de 25 ans cherche comment conjuguer toutes ces identités. Ou la grandiose fresque familiale peinte par Alice Zeniter dans L’Art de perdre.

La discrétion, Faïza Guène, Éd. Plon, 170 pages.

Polyphonie, polyvalence et polygamie

Titulaire du Booker Prize 2019 et de bien d’autres prix, le dernier roman de l’anglaise Bernardine Evaristo est publié en français en cette rentrée 2020. Douze femmes se racontent : leurs histoires, leurs amitiés, leurs malheurs. Une polyphonie ultra-maîtrisée, dont chaque portrait campe un personnage complexe et profond. Certaines histoires sont liées, déclinant les points de vue de la fille et de sa mère, des amies adolescentes aux destins bariolés, de la directrice de collège et de ses élèves. Avec cette observation détaillée de la vie londonienne, de ses classes sociales sclérosées et composées de règles invisibles, Evaristo donne à voir la multiplicité des héritages postcoloniaux. Ses personnages ont des origines caribéennes, nigérianes, ghanéennes… et des vies tout aussi diverses. S’il fallait encore vous convaincre, la prose rythmée et sans fards est pleine d’humour et selon le jury du Booker prize, digne d’une interprétation au théâtre. À bon entendeur…

Pour aller plus loin : lisez Americanah de l’incontournable Chimamanda Ngozi Adichie, grande prêtresse contemporaine de la littérature noire-américaine. Mais aussi Angela Davis, Zora Neale Hurston, Bell Hooks… déesses de la mythologie littéraire noire.

Fille, femme, autre, Bernardine Evaristo, Éd. Globe, 480 p.


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